La sainte Bible

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Traduction par David Martin, édition de 1744, libre de droits.

n°18 / Job 6 :

1Mais Job répondit, et dit :
2Plût à Dieu que mon indignation fût bien pesée, et qu’on mît ensemble dans une balance ma calamité !
3Car elle serait plus pesante que le sable de la mer ; c’est pourquoi mes paroles sont englouties.
4Parce que les flèches du Tout-puissant sont au dedans de moi ; mon esprit en suce le venin ; les frayeurs de Dieu se dressent en bataille contre moi.
5L’âne sauvage braira-t-il après l’herbe, et le bœuf mugira-t-il après son fourrage ?
6Mangera-t-on sans sel ce qui est fade ? trouvera-t-on de la saveur dans le blanc d’un œuf ?
7Mais pour moi, les choses que je n’aurais pas seulement voulu toucher, sont des saletés qu’il faut que je mange.
8Plût à Dieu que ce que je demande m’arrivât, et que Dieu me donnât ce que j’attends ;
9Et que Dieu voulût m’écraser, et qu’il voulût lâcher sa main pour m’achever !
10Mais j’ai encore cette consolation, quoique la douleur me consume, et qu’elle ne m’épargne point, que je n’ai point tû les paroles du Saint.
11Quelle est ma force, que je puisse soutenir de si grands maux ? et quelle en est la fin, que je puisse prolonger ma vie ?
12Ma force est-elle une force de pierre, et ma chair est-elle d’acier ?
13Ne suis-je pas destitué de secours, et tout appui n’est-il pas éloigné de moi ?
14A celui qui se fond sous l’ardeur des maux, est due la compassion de son ami ; mais il a abandonné la crainte du Tout-puissant.
15Mes frères m’ont manqué comme un torrent, comme le cours impétueux des torrents qui passent ;
16Lesquels on ne voit point à cause de la glace, et sur lesquels s’entasse la neige ;
17Lesquels, au temps que la chaleur donne dessus, défaillent ; quand ils sentent la chaleur, ils disparaissent de leur lieu ;
18Lesquels serpentant çà et là par les chemins, se réduisent à rien, et se perdent.
19Les troupes des voyageurs de Téma y pensaient, ceux qui vont en Séba s’y attendaient ;
20Mais ils sont honteux d’y avoir espéré ; ils y sont allés, et ils en ont rougi.
21Certes, vous m’êtes devenus inutiles ; vous avez vu ma calamité étonnante, et vous en avez eu horreur.
22Est-ce que je vous ai dit : Apportez-moi et me faites des présents de votre bien ?
23Et délivrez-moi de la main de l’ennemi, et me rachetez de la main des terribles ?
24Enseignez-moi, et je me tairai ; et faites-moi entendre en quoi j’ai erré.
25Ô combien sont fortes les paroles de vérité ! mais votre censure, à quoi tend-elle ?
26Pensez-vous qu’il ne faille avoir que des paroles pour censurer ; et que les discours de celui qui est hors d’espérance, ne soient que du vent ?
27Vous vous jetez même sur un orphelin, et vous percez votre intime ami.
28Mais maintenant je vous prie regardez-moi bien, si je mens en votre présence !
29Revenez, je vous prie, et qu’il n’y ait point d’injustice en vous ; oui, revenez encore ; car je ne suis point coupable en cela.
30Y a-t-il de l’iniquité en ma langue ? et mon palais ne sait-il pas discerner mes calamités ?