n°18 / Le livre de Job. 6 :
1Mais Job répondit et dit :
2Plût à Dieu que ce qui m’afflige fût bien pesé, et que ma calamité fût mise dans une balance !
3Car elle se trouverait plus pesante que le sable de la mer ; c’est pourquoi les paroles me manquent.
4Car les flèches du Tout-Puissant sont en moi ; mon esprit en suce le venin ; les frayeurs de Dieu se rangent en bataille contre moi.
5L’âne sauvage crie-t-il auprès de l’herbe, et le bœuf mugit-il auprès de sou fourrage ?
6Mange-t-on sans sel ce qui est fade ? Trouve-t-on du goût dans le blanc d’un œuf ?
7Ce que mon âme refusait de toucher, est devenu pour moi comme un pain de langueur.
8Plût à Dieu que ce que je demande m’arrivât, et que Dieu me donnât ce que j’attends ;
9Et que Dieu voulût me réduire en poudre, et laisser aller sa main pour m’achever !
10Mais j’ai pourtant cette consolation, (bien que la douleur me consume, et qu’elle ne m’épargne point) que je n’ai point caché les paroles du Dieu saint.
11Quelle est ma force, que je puisse espérer, et quelle est ma fin, que je prolonge ma vie ?
12Ma force est-elle une force de pierre, et ma chair est-elle d’acier ?
13N’est-il pas vrai que je ne trouve plus de secours en moi, et que toute ressource m’est ôtée ?
14Celui qui n’en peut plus, devrait avoir des faveurs de son intime ami ; mais il a abandonné la crainte du Tout-Puissant.
15Mes amis m’ont manqué comme un torrent, et comme le cours impétueux des torrens qui passent ;
16Qui tarissent par la gelée et sur lesquels la neige s’amasse ;
17Et qui, lorsque la chaleur vient, manquent ; et quand ils sentent la chaleur, ils disparaissent et s’écoulent de leur lieu ;
18Qui, serpentant çà et là par les chemins, se réduisent à rien et se perdent.
19Les troupes des voyageurs de Téma y pensaient ; ceux qui vont à Scéba s’y attendaient ;
20Mais ils sont honteux d’avoir espéré ; ils étaient allés jusque-là, et ils en ont rougi.
21Maintenant vous ne me servez de rien. Vous avez vu ma calamité, et vous en avez eu horreur !
22Est-ce que je vous ai dit : Apportez-moi et faites-moi des présens de votre bien ;
23Et délivrez-moi de la main de l’ennemi, et rachetez-moi de la main des puissans ?
24Enseignez-moi, et je me tairai, et faites-moi entendre en quoi j’ai tort.
25Oh ! que des paroles de vérité ont de force ! mais à quoi sert votre censure ?
26N’avez-vous donc des paroles que pour me reprendre ? Et les discours d’un nomme qui n’a plus d’espérance, ne sont-ils que du vent ?
27Vous vous jetteriez même sur un orphelin, puisque vous vous efforcez d’accabler votre intime ami.
28Maintenant donc, jetez, je vous prie, les yeux sur moi, et voyez si je mens en votre présence.
29Revenez à vous-mêmes, je vous prie, et qu’il n’y ait point d’injustice ; revenez, car le droit est de mon côté.
30Y a-t-il de l’iniquité dans ma langue ? Et mon palais ne sait-il pas discerner mes malheurs ?